on the windowsill of hospitals
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Paraît-il que le problème avec l’hôpital psychiatrique n’est pas tant qu’on n’arrive pas à en sortir, mais plutôt qu’on ne cesse d’y entrer, même par-delà ses murs. Médicalisation accrue des manières d’être au monde, essentialisme biologique, approches néolibérales de « la santé mentale », injonction à l’autorégulation, répression violente des expressions de souffrance – l’hôpital dans lequel on ne cesse d’entrer est protéiforme, dématérialisé. L’esprit du lieu de « soin » nous habite; l’hypervigilance, l’auto-observation, le « soin de soi » – et tout ce que ces pratiques peuvent avoir d’oppressant et normatif – viennent étirer le grand corps de l’hôpital, élargir la zone du regard du psychiatre, réitérée par nous-mêmes. Et si cette boucle réitère les bonnes manières d’être en vie, sain·e·s, elle exige aussi les bonnes manières d’être malades, d’avoir besoin d’aide, de souffrir, d’être folles.
Dans un effort de se dégager des processus hospitaliers qui se reproduisent en nous, ce travail s’élabore à partir d’archives de mouvements antipsychiatriques et de «patient·e·s » révolutionnaires des années 1960-70 en Europe et en Amérique du Nord. Des autoproclamé·e·s « malades» proposant un contrepoids à l’hégémonie de la psychiatrie occidentale, aux militant·e·s permettant de repenser notre rapport au soin, à celleux qui ont critiqué les liens entre le capitalisme et la médicalisation de la souffrance – l’histoire est riche de dissident·e·s du système psychiatrique.
En dialogue avec des ami·e·s psychiatrisé·e·s, Alegría Gobeil propose un livre d’artiste élaboré au contact de ces archives révolutionnaires. Documentant les manières dont ellui et celleux qui l’entourent ne cessent, en effet, d’entrer dans des institutions psy [1] (sans pourtant souvent tout à fait y être), l’artiste tente de créer une zone de contingence entre les mouvements historicisés de foufolles et les pratiques quotidiennes des personnes psychiatrisées qui l’entourent. Réfléchissant l’amitié et la discussion comme points de ralliement et de politisation des souffrances, ce livre d’artiste tente d’aménager autre chose qu’un va-et-vient dans/avec l’hôpital. En allant à la rencontre des pratiques, pensées et actions de psychiatrisé·e·s ayant politisé les rapports de pouvoir se déployant dans les institutions de soin, leur rapport à la maladie et à la productivité, le livre propose d’être habité·e·s par d’autres lieux, et d’autres luttes.
[1] psy est utilisé ici pour référer à tout contexte dans lequel des soi-disant professionnel·e·s de la santé réitérant l’hégémonie psychiatrique, et ce peu importe leur poste – infirmière, travailleuse sociale, policier, psychiatre, médecin généraliste, psychanalyste, psychologue. Ce terme est largement utilisé dans les Mad Studies, champ d’études élaboré par les personnes psychiatrisées et leurs allié·e·s.