La Forêt s'en vient — Exposition pop-up
17 h 30 à 20 h 30
La Forêt s’en vient II n’est pas une exposition de paysages. Au contraire. Vous y trouverez quelques arbres, mais la Forêt représente plus ici un état, une ambiance, un sentiment. Le paysage, c’est la nature domestiquée par l’être humain. C’est le jardin, la photo ou la peinture du lieu sauvage composé et recadré pour devenir joli et rassurant. La Forêt n’est pas rassurante. Elle est mystérieuse, étrange, menaçante. C’est là que les sorcières et les druides cueillent les ingrédients de leurs potions magiques. C’est là que rôdent les hors-la-loi et les morts vivants, que se rassemblent les magiciens et les hérétiques, que se cachent les voleurs et les ninjas. Si vous errez dans la Forêt et croisez l’un de ses habitants, vous y trouverez des êtres qui vous semblent présents devant vous et simultanément ailleurs. Ils sont partout et nulle part ; singulier et pluriel ; ils font rire et peur à la fois. La Forêt est le lieu de l’étrangeté.
Ce qui est étrange est menaçant. Ce qui est menaçant est nécessairement un possible et le possible reste coincé dans l’état d’être en train d’arriver. Il n’y a aucune certitude avec les menaces, sinon leur imprévisibilité et l’impression qu’elles s’en viennent. Tout le monde pense que la Forêt est immobile parce que les arbres sont enracinés, mais lorsqu’on la conçoit comme une multitude de petits événements, de fêtes obscures dont les acteurs sortent d’eux-mêmes ou disparaissent de leur corps toujours visible, la limite du bois dépasse son orée d’arbres et hante les gens comme vous et moi de sa présence insaisissable. J’aimerais vous expliquer plus clairement ce phénomène, mais il me semble être en soi une abstraction, un non-sens. Il faut laisser venir l’inévitable, même s’il n’arrive jamais.
La Forêt s’en vient II est une série de tableaux peuplés de personnages dont les interrelations sont déphasées et les comportements absurdes ce qui génère quelques fois le sentiment d’inquiétante étrangeté ou de grotesque. Provenant de plusieurs sources, les personnages sont généralement agencés sur la toile à la manière d’un collage, ce qui crée l’incohérence entre les comportements de chacun et amène une certaine opacité au sens de l’œuvre.
Démarche
Tout mon travail en peinture est réalisé en fonction des sensations engendrées par la perception des propriétés picturales et par celle de l’expression non verbale du corps. En explorant ces deux axes, j’élabore des scénarios dans lesquels les êtres humains représentés font rire de par leur présence grotesque.
Alors que le monstrueux réfère à l’hybridité physique du corps (juxtaposant parties humaines et parties animales), le grotesque se caractérise par la constitution hybride de personnages et relève davantage du comportement que de la physionomie. De la même manière que dans le grotesque donc, mon travail donne à voir différents paradoxes : entre l’apparence physique et la psyché des personnages ; entre les phénomènes de peintures très présents et la représentation, où le fait de reconnaitre quelque chose est constamment troublé par la réalité matérielle du tableau ; et entre le comique et le dramatique.
À travers la conduite ridicule des personnages et leur attitude surjouée, une détresse semble être reniée. C’est ce déni qui m’intéresse et qui m’a mené à la science de la détection du mensonge par le biais des gestes et des attitudes.
C’est pourquoi l’exploration des caractéristiques de l’expression non verbale est importante, car même si mes images sont peuplées de représentations, les facultés d’empathie que nous possédons tous permettent, non pas de reconnaitre des présences humaines troublées et des comportements de déni, mais de vivre une réelle expérience du rapport à autrui — un vis-à-vis qui ne se donne pas de façon transparente, mais plutôt avec une opacité qui vous fera rire de malaise.