Avant de tracer un carré
Dans l’imaginaire collectif québécois, la représentation de Laval est assurément celle d’un milieu suburbain nord-américain typique, dont l’urbanisme utilitaire et l’aménagement à vocation unique sont le produit du règne du tout-à-l’auto. Car au cours des cinq dernières décennies, l’agglomération lavalloise a progressé au gré des projets de développement commerciaux et immobiliers, sans les balises d’un plan d’urbanisme. En effet, un code d’urbanisme a été adopté en juillet dernier, le premier depuis les années 1970. Ce plan d’aménagement vise particulièrement à verdir Laval et du même coup, l’image de ses quartiers.
Parmi les développements urbanistiques prévus par la Ville, se trouve le Carré Laval, situé au croisement du boulevard St-Martin et de l’autoroute 15. Présenté comme «un lieu habité comportant un grand parc urbain et un lac ainsi qu’une zone d’innovation de calibre international incluant des centres de recherche, des bureaux, des commerces et des attraits touristiques. Les Lavallois·e·s y retrouveront un milieu de vie diversifié à échelle humaine où vivre, travailler et se divertir 7 jours sur 7, été comme hiver». Ancienne carrière à ciel ouvert, le site tel qu’il est actuellement permet de remonter à une période industrielle durant laquelle les ressources naturelles lavalloises ont été puisées et exploitées. Il s’agit d’un milieu naturel devenu zone d’extractivisme, puis laissé en jachère. La nature y reprend maintenant ses droits.
Avant de tracer un carré propose de parcourir en petits groupes les abords de ce site où sont perceptibles – par l’abondante végétation spontanée qui y croit – des évocations du caractère agricole de l’ile Jésus. Cet écosystème relativement restreint symbolise les différentes phases de développement urbanistiques de Laval. En effet, des traces de son potentiel agraire et la cicatrice de sa période industrielle y persistent et s’y projettent les ambitions politiques de rendre la ville attractive tant pour les populations au «mode de vie urbain» que pour les industries du savoir et de la créativité.
Des parcours d’exploration sont prévus autour de cette zone qui subira une importante transformation d’ici quelques années, mais qui pour l’heure, propose assurément une résiliente biodiversité. Par la cueillette et la photo, les participant·e·s documenteront les plantes, insectes, oiseaux ou mammifères observés et partageront des souvenirs qui leur sont associés. Les documents recueillis seront ensuite reproduits en PLA, un bioplastique composé de maïs utilisé en impression 3D.
Au final, ces artefacts seront intégrés à un coffret de PLA conçu par l’artiste, matelassé par une couche d’isolant végétalien à base d’asclépiade du Québec. Biodégradable, il constituera une capsule temporelle faite de matières choisies en toute conscience de l’effondrement en cours et de la nécessité de repenser l’extractivisme auquel la production artistique contribue. La dégradation de cette capsule est anticipée, ainsi que les espèces qu’elle représente… D’où l’importance de cultiver les souvenirs qui leur sont liés et dont les humains sensibles à ces incarnations du vivant contribuent à en préserver la diversité.