Attendre la fin pour recommencer — Texte
« Sur le seuil de la porte d’entrée, Myriam supplie sa mère d’ouvrir. La jeune fille supporte mal l’odeur du métal qui lui donne la nausée et cela fait presque trois semaines qu’elle n’a pas vu la lumière du soleil.
Ici, toute source de luminosité est halogène et donne une couleur chaude à la pièce dans laquelle les deux femmes doivent cohabiter encore pour une durée indéterminée. Sa mère lui rappelle que le soleil n’est plus comme avant et qu’il vaut mieux attendre la relocalisation, même si, le cas échéant, leurs chances de survie seront minces.
Les hélices s’activent, leur bruit sourd remplis l’espace, la ventilation aspire l’air usée par de longs tubes à leur embouchure. Les lumières principales s’éteignent, c’est l’heure de la mise en veille. Myriam prend un comprimé pour dormir et s’allonge sur son lit. Quelques dessins et photographies de vacances sont accrochés au mur, c’est tout ce qui lui reste d’avant, ça et ses souvenirs. La chaleur du soleil de juillet et la délicate fraicheur qu’apportaient ses soirées.
Avant, elle passait ses journées dans la cour extérieure où elle s’allongeait dans l’herbe fixant les nuages; les fourmis, agitées, se déplaçaient sur son ventre, pressées d’atteindre leurs destinations.
Ici, c’est loin de ressembler à juillet ni à n’importe quel mois de l’année d’ailleurs. Ici, les mois sont tous les mêmes, malgré toutes ces histoires grandioses qu’on lui a racontés sur le monde, sur ce qu’il a été et ce qu’il devait être.
En regardant ses images aux murs elle s’endort et rêve d’une journée allongé sur l’herbe comme avant; maintenant il faut attendre la fin pour recommencer. »
— Valéry Pelletier