Si tu ne me vois pas, est-ce que j’existe toujours ?
« Mars 2020, nos vies ont basculé. Notre rapport au temps et à l’espace s’est complètement transformé. Nous nous retrouvons en suspension, confrontés à nous-mêmes, sans possibilité de fuir ou de s’étourdir. Le télétravail, la vie de famille, l’école à la maison, préserver un espace pour la création. Comment ne pas perdre l’équilibre quand nous avons perdu nos repères ?
Aspiré dans une chute vers le vide, en apesanteur, cela semble sans fin. C’est dans ces conditions qu’a débuté ce projet de mentorat. Cette relation virtuelle a quelque chose de surréel. Nous ne sommes que deux voix à travers le téléphone. Journal de bord partagé en ligne et échanges de photos. Comme l’a dit Marcel Duchamp, c’est le regardeur qui fait l’œuvre. Est-ce que regarder une œuvre à travers l’écran bleuté de nos téléphones
intelligents, ça compte ? Est-ce vraiment comme les voir in situ ? En espérant que ce mentorat débuté virtuellement s’ancrera dans bientôt le monde physique.
Le projet s’articule autour de la création d’une installation qui reflète le sentiment de chute, de perte de repère. Une projection composée de vidéo, d’animation, d’images et de textes est projetée sur un objet tridimensionnel, peut-être un grand dessin ou une sculpture prenant la forme d’une femme. Cette dernière est parfois exposée, parfois perdue dans l’image. L’accumulation fait oublier la figure jusqu’à ce qu’elle devienne invisible. L’installation est présentée dans divers lieux publics de Laval, pour observer et documenter les réactions des passants ou tout simplement l’absence de spectateurs. Quand il crée, l’artiste se lance dans le vide. Que se passera-t-il si personne n’est présent pour accueillir sa chute ? »
— Stéphanie Bourgault