« L’impatience collective est palpable. De l’œsophage au gros intestin, de l’ischiojambier à la plante des pieds et des vertèbres cervicales jusqu’à l’amygdale, les respirations profondes ne suffisent plus à délier les tensions — et sont même déconseillées. »
VCA désire s’ancrer dans les bouleversements fertiles du présent et dans la projection d’un futur incertain, quoique imminent. Il sait que, chez lui comme ailleurs, dans la lenteur et l’isolement, des processus se sont enclenchés. Car ces transformations en latence, au-dedans comme au-dehors, ont seulement l’apparence de l’inactivité.
À VCA, par exemple, tandis que depuis 2011 on agit hors les murs en présentant des œuvres loin des cadres habituels de l’art, un travail continu s’effectue en parallèle pour faire exister un espace de galerie à l’horizon 2025 [1,2,3]. Ce projet majeur, qui agite déjà l’organisme de l’intérieur, est bien sûr pour ce dernier un agent catalyseur : on escompte que le réarrangement des constituants extra et intra muros de sa programmation lui donne une nouvelle substance. Et dans l’intervalle, on se prépare en imaginant, pourquoi pas, quelque chose dont la nature se devra d’être poreuse :
Après avoir découvert sa faculté de traverser les parois, le Passe-muraille[4] décide d’en profiter pour s’amuser un peu. Ce bureaucrate relégué au cagibi ira de cambriolages en évasions avec une aisance peu commune, fuyant ainsi l’imposition de nouvelles réformes au travail. Et si, comme lui, au lieu de frapper le mur érigé devant nous, on le traversait ? Pratiquer l’intramural, est-ce devenu un sport d’équipe, et le hors les murs de la science-fiction ? Qu’en est-il de notre demeure lorsqu’elle nous semble soudainement plus étroite, et que les rideaux deviennent plus opaques ? Que faire du besoin grandissant de se réfugier entre la colle et la tapisserie ?
Une multitude d’espèces s’épanouissent dans les cavités étroites et obscures de la croûte terrestre et des êtres vivants. Le lombric[5] creuse des galeries souterraines jusqu’à deux mètres de profondeur, où il se nourrit de terre et de débris organiques. La taupe[6] est un animal fouisseur solitaire qui se nourrit des lombrics qu’elle rencontre sur son chemin. Des milliers de milliards de bactéries anaérobies qui préfèrent les environnements dénués de lumière et d’oxygène habitent dans les crevasses chaudes et douillettes de notre côlon[7]. Le troglodyte[8,9] peut bien acheter des carrés de luminothérapie et regarder du théâtre sur le web, sa demeure reste enfouie dans le roc. Même lui n’est pas à l’abri des possibles effondrements climatique, politique et social dont les ombres planent à la surface.
Plutôt que de laisser les profondeurs nous envahir, pourquoi ne pas s’y blottir ? Pourquoi ne pas profiter de cette panne de courant pour recharger les panneaux solaires à la surface ? Pourquoi ne pas s’approprier l’attente, la modeler comme bon nous semble et la transformer en combustible ?
Avant d’envisager la suite, laissons-nous la liberté de consommer ce moment, de le mastiquer longuement et pleinement pour en retirer la sève gorgée de beau et de bon. Décomposons-le, faisons-le macérer[10], fermenter[11], et laissons des visions en émerger. En attendant de partager les intérieurs avec nos semblables, de pouvoir choisir entre le dedans, le dehors et ce qui les unit, investissons pleinement l’épaisseur du présent afin d’y faire proliférer les futurs.
[1] Depuis 2011, le projet de relocalisation de Verticale est porté par le Regroupement d’organismes culturels et d’artistes lavallois (ROCAL), dont VCA est un des membres fondateurs : https://verticale.ca/relocalisation/
[2] À l’automne 2020, la Ville de Laval donnait le coup d’envoi des études d’avant-projet pour la construction : https://www.laval.ca/Pages/Fr/Nouvelles/construction-infrastructure-culturelle.aspx
[3] Des investissements majeurs de Québec sont prévus à Laval et stimuleront la relance économique au sortir de la crise sanitaire : https://courrierlaval.com/quebec-investira-a-coup-de-centaines-de-millions-a-laval/
[4] Nouvelle de l’auteur français Marcel Aymé, parue en 1941, donnant le titre au recueil de nouvelles comprenant notamment Les Sabines, La Carte, Les Bottes de sept lieues et En attendant. Vous pouvez lire la nouvelle ici : http://franceinfo.us/03_books/books/ayme_passe_muraille.pdf
[5] Le lombric est à l’honneur dans un poème de Jacques Roubaud : http://etoile2poles.free.fr/acro/le%20lombric.pdf
[6] Voyez la taupe en action ! : https://youtu.be/Sa7_Vnho-iw
[7] Accompagnées des virus, parasites et champignons, ces bactéries composent le microbiote intestinal. Ce dernier joue un rôle essentiel dans les fonctions digestive, métabolique, immunitaire et neurologique du corps. https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/microbiote-intestinal-flore-intestinale
[8] Des habitants de la ville de Uçhisar en Turquie vivent dans des maisons creusées à même la montagne du Kale.
[9] Sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, la ville italienne de Matera est composée de grottes naturelles qui ont servi de refuge à l’humain depuis le paléolithique.
[10] La macération est l’action de laisser séjourner un solide longuement dans un liquide pour en extraire les composés solubles ou pour l’absorber. Les cornichons macèrent dans le vinaigre, les sardines dans l’huile et les microfossiles dans l’acide. Le vin orange, les vins nature et les vins effervescents (Pet Nat) suscitent l’engouement populaire.
[11] La fermentation est l’action des micro-organismes qui transforment les sucres en alcool, en vinaigre ou en gaz.
Programmation 2021—23
Deuxième volet
Philippe Allard — Déroute
Miri Chekhanovich — Mous souvenirs
Peter Flemming — Sourbodies
Premier volet
Alexandre Bérubé, Frédérique Laliberté et Guillaume Pascale — L(‘)aval d’un futur
Clément de Gaulejac et M-A Reinhardt — L’enquête des nuisances
karen elaine spencer — walkin’ with cohen
Rose de la Riva — Dormance
Les Clubs — 8e édition
Julie Roch-Cuerrier et Joséphine Rivard — Club plastique
Chloë Lalonde — Club vidéo
Julien Gagnon-Rouillard avec Lisa Sfriso, membre invitée — Club de lecture
Avec Rose de la Riva, Peter Flemming, Clément de Gaulejac, M-A Reinhardt et Emmanuelle Choquette, animatrice invitée
Les Clubs — 9e édition
Peter Flemming et Cecilia McKinnon — Club de lecture
Peter Flemming et Cecilia McKinnon — Club plastique
Toutes les programmations thématiques
Fermentation, science et fiction — 2021—23
Trouble, émoi et systèmes — 2020—21
Clan, destinée et clandestinité — 2019—20
Transport & onirisme — 2018—19
Territoire rituels et pouvoirs occultes — 2017—18