Dans le contexte artistique actuel, on demande plus que jamais à l’artiste d’être entrepreneur, d’avoir une production artistique et de participer à un système de valeurs dominant. Simultanément, on s’attend en général à ce qu’il ou elle ait un regard critique sur la société, et même qu’elle ou il imagine des systèmes de valeurs et des économies alternatives. Les figures stéréotypées de l’artiste en trouble-fête, fauteur de trouble ou créatrice à l’esprit troublé — qui confinent bien souvent à une marginalité convenue — sont des topos qui parlent tous d’un rapport présumé de l’art et de la création avec le trouble. Qu’en est-il du rapport de l’art au trouble lorsqu’il est un moyen de donner au monde de la limpidité ? Les règles, les systèmes et les prescriptions (comme celle voulant que l’art doive troubler, contester, perturber, déranger) ne viennent-ils pas aussi troubler la clarté du réel ?
Ces réflexions nous conduisent à envisager les pratiques artistiques comme autant de méthodes qui engendrent à leur tour leurs propres systèmes de connaissances. L’art comme mode d’appréhension du monde, par lequel il serait permis de générer du sens à partir des éléments autrement désordonnés du réel, ou à partir d’un brassage des catégories déjà existantes. L’une des valeurs du trouble, pourrait-on argumenter, réside dans l’émoi qu’il provoque — c’est-à-dire dans la position sensible où il nous place, favorable à une nouvelle perception. L’émoi n’est pas strictement un trouble que l’on sème, mais aussi un trouble que l’on ressent. Plus réactionnel que conflictuel, il émerge d’un sentiment d’appréhension qui conduit à une certaine forme d’introspection ou d’autocritique, à un moment de suspension.
Dans son contact singulier avec les pratiques artistiques, VCA est témoin privilégié de processus de création marqués par une inévitable négociation entre les œuvres et leurs contextes d’inscription, ainsi que de la transformation des intentions artistiques par l’émoi (le trouble) de leur mise en pratique. Souvent, les œuvres résorbent les troubles qui les ont pourtant accompagnées dans leur production, mais parfois, le trouble demeure jusque dans l’œuvre, se faisant ressentir dans sa présentation et sa réception. Il arrive que le trouble résonne d’une dissonance presque inaudible ou qu’il retentisse comme une fausse note, passée trop vite pour être clairement identifiée. D’où vient le trouble et quelle(s) posture(s) adopter face à lui ? A-t-il quelque chose à voir avec la notion de systèmes (de valeurs), de règles (de fonctionnement), de conventions (esthétiques) ? Quels sont ses effets, ses valeurs et que penser de son absence ? Hors des cadres de références admis, avons-nous la contrainte de naviguer en eaux troubles ? Ce besoin d’établir des préceptes répond-il à un impératif de repères ? Comment le trouble s’insinue-t-il dans la pratique artistique, dans les œuvres ? Quels dispositifs sont mis en place par l’artiste pour l’exacerber ou le résorber ?
Programmation 2020—21
Jacinthe Loranger — Ensemble nous vaincrons le futur
Michelle Lacombe — Le cercle
Bianca Hlywa — MR. BIG
Victoria Stanton — res(is)ting / repos comme résistance
Alexandre Bérubé, Frédérique Laliberté et Guillaume Pascale — Exploration spéculative
Les Clubs — 7e édition
Première rencontre — Club vidéo
Deuxième rencontre — Club de lecture
Troisième rencontre — Club de lecture
Carnets d’expériences — Saison 2
Écoutez le balado
Toutes les programmations thématiques
Trajectoire, aménagement et genius loci — 2023—25
Fermentation, science et fiction — 2021—23
Trouble, émoi et systèmes — 2020—21
Clan, destinée et clandestinité — 2019—20
Transport & onirisme — 2018—19
Territoire rituels et pouvoirs occultes — 2017—18